Le Huffington Post

Du Huffington Post – 5 juin 2008
Par Diana Odasso

Mon expérience de Landmark commence le jour où un ami en qui j’ai confiance raconte sa fin de semaine chez Landmark. Je me dis alors : « Pauvre lui, il est entré dans une secte ».

J’ai entendu les rumeurs – la politique stricte au sujet des salles de bains, la règle interdisant de manger ou de boire, les interminables heures de classe, l’enrôlement forcé de vos amis et de votre famille. Landmark a été expulsé de la France. Ça ressemble aussi à la scientologie, et à la manipulation des foules de style californien à la Tom Cruise dans Magnolia ou encore le spécialiste de la manipulation dans The Game. Mais il avait piqué ma curiosité et je me suis donc invitée à cet événement donné en soirée, où je me suis inscrite sur-le-champ. (Strictement en tant que journaliste, bien sûr)

1er jour : Je suis un imbécile

Je me résigne à passer une certaine fin de semaine ensoleillée d’été à New York dans un sous-sol glacé, coin 33e rue et 8e avenue, entourée d’une centaine d’étrangers hétéroclites. (D’où viennent tous ces gens ?) L’animatrice de Landmark, une française au teint cuivré, monte sur la scène. Elle me plaît tout de suite; je peux voir qu’il n’y aura rien de forcé dans sa classe. Alors qu’est-ce que nous allons faire exactement dans les prochaines quarante-cinq heures de classe ?

En résumé : les participants se tiennent devant un micro et partagent leurs histories avec les autres dans la salle. Une histoire typique : mon père indigne de ce nom nous a quittés alors que j’avais huit ans, il a ruiné nos vies et maintenant, je ne fais plus confiance aux hommes. Je suis d’âge moyen et célibataire. (Bon Dieu, qui sont ces gens ?) Après quelques vérifications des faits, notre animatrice en dégage la logique dans un fort accent français : « Il vous a laissées parce que votre mère était infidèle. Et parce que vous êtes une ingrate, vous n’avez jamais retourné ses appels. Tant pis si vous êtes célibataire, c’est entièrement votre faute ».

Ayant recours à mes connaissances de la psychologie, je me mets à observer et à analyser les cas (TOC, bipolaire, complètement schizophrène…) Mais vers la fin de la journée, j’avais assez entendu d’histoires pour commencer à pressentir des ressemblances un peu gênantes. C’est à ce moment qu’une dame avec des cheveux bizarres (elle doit bien avoir 15 chats) commence son triste récit et – zut – ça m’a frappée, j’avais déjà vécu la même chose ! Énervée, je jette un coup d’œil autour de moi et je remarque que tout le monde a l’air désolé pour elle.

Je commence à vivre l’expérience d’un certain sens de solidarité à mesure que les gens montent au micro. « Vous passez toute votre vie à essayer de bien paraître ou d’éviter de mal paraître ». La Française fronce un sourcil, « Et cette petite voix dans votre tête ? Celle qui est toujours en train de critiquer et d’analyser ? » (Quelle petite voix ?) « Oui, celle-là… Cette petite voix harcelante qui est toujours en train de juger tout et tout le monde ». Vous êtes un imbécile. Vous avez mené des « rackets » avec toutes les personnes que vous aimez. (Un « racket » est un terme de Landmark qui veut dire la quantité d’excuses que nous utilisons pour justifier nos actions stupides). Vous êtes inauthentiques. Mais encore pire, vous êtes inauthentiques à propos d’être inauthentiques.

Nous sommes laissés avec un sentiment de désespoir. De toute évidence, nous sommes plus imbéciles que nous le soupçonnions. Alors maintenant notre devoir est d’aller répandre la bonne nouvelle. Je retourne à la maison, j’appelle ma mère et je m’excuse d’avoir été une adolescente aussi épouvantable. Elle est surprise, enchantée de recevoir mes excuses, mais ne sommes-nous pas passés à travers ça il y a bien longtemps?

2e jour : Je suis encore un imbécile

Alors j’arrive avec un vague sentiment de bien-être à propos de mon appel de minuit à maman. (Ne suis-je pas une bonne personne ?) En fait, non. En vérité : Je suis encore un imbécile. Et c’est encore plus présent après la pause, alors que le groupe se fait réprimander parce que les gens ont traîné et sont entrés en retard. Nous avions tous brisé l’intégrité ainsi que nos promesses à gauche et à droite, en les justifiant par des raisons et des excuses. Finalement, ils nous retournent à la maison avec un devoir désagréable : Je suis sensée inviter trois personnes à la soirée de clôture du mardi soir. Je l’ai demandé à mon frère qui m’a répondu tout de suite : « Es-tu en train de recruter ? » (Peut-être). Je vais me coucher avec un profond sentiment de résignation.

3e jour : Je suis encore plus imbécile

Lorsque j’arrive le dimanche matin, je suis irritée d’avoir passé ma fin de semaine dans un sous-sol, et de ne pas avoir obtenu la fameuse « percée » de Landmark. Jusqu’à ce qu’une blonde s’avance au micro pour raconter sa soirée précédente. Elle a appelé trois parfaits étrangers pour leur parler de Landmark. Pourquoi ? Premièrement, parce qu’elle croyait que ça pouvait leur être bénéfique. Deuxièmement, parce que, et bien, pourquoi pas ? Son discours déclenche quelque chose en moi : J’ai joué le jeu de Landmark sans prendre aucun risque.

À la pause, j’ai presque couru à la rue, cellulaire à la main. Je peux voir les problèmes dans mes relations, les choses qui sont restées non dites, les blessures et trahisons qui n’ont jamais été abordées. J’ai saisi. Ma percée ! Je commence à appeler… et à appeler… inondant d’excuses mes connaissances, amis et ex. J’assume l’entière responsabilité de ce que j’ai fait de médiocre ou de mauvais dans ma vie. Le plus important est que j’essaie de ne pas les juger. Et même si je ne leur demande rien, je reçois en retour : pardon, gratitude, et même admiration. Ça m’a enlevé un poids des épaules.

La finale de la fin de semaine baigne profondément dans le Zen. Tout ce que nous avons est le maintenant. Nous ne sommes responsables que de nous-mêmes. La vie est sans signification. Je remarque que ma petite voix s’est beaucoup calmée, même si elle a pris un vif timbre français (vous êtes encore un plus grand imbécile). Malgré toutes les critiques négatives au sujet de Landmark, j’avoue avoir eu une expérience extrêmement positive.

Une connaissance se plaint : « S’ils offrent réellement une expérience qui transforme nos vies, pourquoi ce n’est pas gratuit ? » Tout en pensant à l’assiette de collection à l’église, je garde mon jugement pour moi, à la façon Landmark, et je dis doucement : « Tu peux peut-être venir voir mardi soir ? »